La Très Grande Traversée Pierrot Rias : 120 km/h sur corde au-dessus du Vercors
– Présentation |
Pour valider les différents calculs et hypothèses, la tyrolienne a été instrumentée. La tension dans la corde a été mesurée en continu au point haut de la tyrolienne toutes les 0,1seconde, l’échauffement de la poulie toutes les secondes. Sa vitesse de rotation a été également enregistrée.
Tous les paramètres géométriques relatifs au site ont été relevés à l’aide d’un théodolite.
La poulie instrumentée :
A gauche capteur thermique sans contact (en inox)
À droite câble (rouge) compte-tours (mesure de la vitesse de rotation et de la distance parcourue)
Température de la poulie.
Un des points d’interrogation était la température atteinte par la poulie lors de l’essai.
Deux phénomènes produisent son augmentation. Le premier tient à l’échauffement du roulement à billes du fait de sa rotation rapide : la poulie tourne à environ 14.000 tr/mn en moyenne, avec un maximum à plus de 22.000 tr/mn. La seconde source d’échauffement est le frottement de la corde sur la poulie. L’un comme l’autre sont difficilement calculables.
Pour mesurer l’échauffement, un capteur infrarouge relève sans contact toutes les secondes la température du fond de la gorge, là où elle peut avoir des conséquences critiques.
La figure 1 présente l’évolution de cette température en fonction du temps. Le départ de la charge se produit à t = 60 s.
Avant le test, la poulie étant stockée dans un sac au soleil, sa température oscillait autour de 18°. Juste après le départ de la charge, elle subit un refroidissement d’environ 5 °C, dû à son déplacement rapide dans l’air ambiant, plus frais et très humide. On observe ensuite un échauffement d’un peu plus de 20 °C pendant le test, ce qui est bien en dessous de toute valeur critique.
Figure 1 : Température en fond de gorge de la poulie en fonction du temps
Tension dans la corde.
Deux dynamomètres, l’un fourni par la Sté Algosys l’autre par la société Petzl, ont été utilisés.
La corde est mise en place avec une tension initiale de 260 daN à vide. Le dynamomètre, monté en série avec la corde, enregistre la tension pendant la descente tous les dixièmes de seconde. Dans la figure 2 la tension mesurée est représentée en fonction du temps.
On observe une courbe continue avec un maximum de 375 daN obtenu au bout de 18 s. Cette valeur reste très éloignée de la tension de rupture de la corde (3100 daN). Aucune oscillation importante de la tension n’a été constatée. Dans la figure 3 et à partir de l’instant t =75 s on note des oscillations qui s’atténuent en une dizaine de seconde. Elles sont dues au choc de la charge test avec le chariot de récupération.
Lors des descentes des 21, 22 et 23 août, une trentaine de passages ont été enregistrés. Un extrait en est donné figure 3. Chaque passage donne des valeurs différentes de durée de descente, de tension maximale et de forme de la courbe. Ces valeurs dépendent du poids du candidat, de son coefficient de pénétration dans l’air (qui change lui-même en cours de descente, la position du candidat ne restant pas la même sur toute la trajectoire) et surtout des conditions initiales de départ. En effet, le candidat qui se lâche simplement et celui qui donne une impulsion vont conduire à des résultats différents. Certaines courbes présentent deux pics de tension, ou rebonds, de l’ordre de 10 s (courbes 2 et 7).
Figure 3 : Enregistrement de 7 passages successifs
Dans la figure 4 est représentée la force maximale (ou tension) atteinte lors d’un passage en fonction du poids du candidat. 50 passages ont été analysés pour cette courbe. En vert est dessinée la régression linéaire sur l’ensemble des points.
Mesure de la vitesse
Le principe est celui d’un compte-tour. Une marque de peinture noire est peinte sur la flasque de la poulie. Une diode infrarouge éclaire cette flasque et un phototransistor détecte l’atténuation de lumière au passage de cette marque. Toutes les secondes on compte le nombre de tour. Il est alors facile de tracer le profil vitesse et distance parcourue en fonction du temps, figure 5. La courbe expérimentale s’écarte de la courbe théorique car dans le cas réel la position du passager ne reste pas identique en cours de la descente et donc son Cx (coefficient de pénétration dans l’air) varie au cours du temps. D’autre part, les frottements de la poulie sur la corde, mal connus, sont susceptibles influencer le profil de vitesse.
Conclusion
Lorsqu’elle est bien préparée, une tyrolienne même de dimension importante — de l’ordre du kilomètre — ne présente pas de danger particulier. Aucun détail, aucune grandeur ne peuvent cependant être laissés au hasard. Nos études théorique et expérimentale ont assuré une bonne maitrise de l’ensemble et le test a réussi du premier coup.
Bien entendu, il reste encore des améliorations sur le code de calcul pour prendre en compte des conditions initiales de départ. Le comportement de la corde sous charge doit être étudié finement afin de connaître son influence importante sur la tension maximale atteinte lors d’un passage. Il serait aussi intéressant de connaître le vieillissement d’une corde utilisé dans ces conditions. Nous n’avons observé aucune fatigue pendant la centaine de passage, mais peut-on faire quelques centaines de passages, quelques milliers ?
Annexe : détermination des paramètres de calcul.
Allongement relatif.
L’allongement d’une corde sous tension dépend principalement de deux paramètres, la valeur de la tension qu’on lui impose et le temps pendant lequel celle-ci est appliquée. Dans le calcul théorique, faute de mesures réelles, on a pris l’hypothèse d’une élasticité linéaire autour d’une valeur de charge donnée.
Pour une tension variant de 100daN, on obtient un allongement donné exprimé en %. En effet les normes de construction, imposent aux constructeurs de donner l’allongement de la corde que pour une charge variant de 50 à 150 daN. Cet allongement est de 3% pour la corde étudiée. Cette valeur n’est pas suffisante car ce paramètre n’est pas constant. Pour déterminer ce paramètre nous avons calculé la tension maximale atteinte en fonction de l’élasticité. C’est-à-dire que nous sommes partie d’une élasticité connue et pour les mêmes conditions que les essais. Dans notre cas, figure 6, la tension maximale atteinte est de 370 daN et avec la figure 2 on obtient une élasticité équivalente d’un peu moins de 1%. Cette figure permet de comprendre l’évolution de la tension par rapport à l’élasticité. Par exemple pour une corde deux fois plus élastique sa tension maximale diminuera de 12%.
Coefficient de traînée et coefficients de frottement de la poulie.
Le Cx et les coefficients de frottement de la poulie sont également des paramètres importants qui influent directement sur la trajectoire du passager. Ce sont eux qui déterminent principalement la vitesse maximale atteinte et la distance maximale parcourue, pour une dénivelée et une distance entre les deux amarrages données. Il est difficile de connaître ces paramètres sans faire de test. Des essais sur une tyrolienne miniature ont permis d’avoir une idée de ces paramètres, mais seul un essai réel a permis de mieux les approcher. Pour déterminer ces paramètres nous avons comparé l’allure de la courbe de la vitesse théorique et expérimentale de la figure 5. Le but était de les faire coller au mieux, à l’aide d’un algorithme particulier, en cherchant les valeurs des paramètres les plus adaptées. Nous avons obtenu les valeurs suivantes :
- Coefficient de trainée multiplié par la surface de référence du spéléo : 0,45 m2
- Coefficient de frottement (proportionnel à la vitesse) de la poulie : 1,5 kg/s
- Coefficient de frottement (constant) de la poulie : k1 = 15 kg m /s2