La Très Grande Traversée Pierrot Rias : 120 km/h sur corde au-dessus du Vercors
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De la tyrolienne, c’est très certainement Pierrot qui a du avoir le meilleur du spectacle. De son très haut perchoir, il a du bien se marrer à voir nos trombines passer alternativement de l’euphorie à l’angoisse!
Agglutinés sur un promontoire inconfortable, nous étions nombreux à regarder, tel un bataillon de crabes accroché à son rocher. Tous immobiles, tous inquiets de cette brutale absorption par le vide, devant ce panorama pourtant magnifique : à intervalles réguliers, cette cohorte voyait l’un des siens disparaître à une vitesse fulgurante.
Sur la falaise d’en face, l’arrivée de la tyrolienne n’était qu’un point indéterminé, perdu dans la verdure. Chaque participant avait son numéro de passage, et plus l’échéance se rapprochait moins j’étais sûre de vouloir y aller… Entre les passages, les blagues pour tromper la peur fusaient.
Le va-et-vient des poulies apportait des moments de répit bienvenus. Mais à chaque départ, le corps emporté par la brutalité de la vitesse ne laissait derrière lui qu’un “ah !” de surprise, un long cri angoissé, ou un grand silence tout aussi effrayant.
Au “top”, j’ai malgré moi fermé les yeux. Au bout de ma longe ridiculement fine, la solitude était grande! Puis le bruit de moteur d’avion émis par la poulie m’a ramenée à la réalité. Je ne chutais pas : j’étais en vol. Alors j’ai regardé : j’ai perçu le mouvement de mon corps emporté dans l’espace, j’ai senti le vide immense autour de moi, j’ai contemplé l’infini, et peut-être même au-delà…
Mais déjà la vitesse décroissait. Alors j’ai rassemblé mes membres, pour mieux glisser dans l’air et me rapprocher le plus près possible de l’arrivée. Un étrange coussin orange est venu à ma rencontre dans une descente saccadée. Derrière lui, des visages amis me souriaient. Je me suis agrippée, assise, et l’on m’a doucement ramenée au sol.
“Alors ?” Je n’avais pas les mots pour dire, pour tout dire, tout de suite. Un temps je suis restée muette, les jambes en coton, avec l’impression d’avoir vécu un truc mystique…
Sur la plus grande tyrolienne sur corde du monde je suis bien fière d’être passée, et la prochaine fois je ne fermerai même pas les yeux!
Delphine Mille
La courbe élégante d’un fil blanc coupe le ciel sur plus d’un kilomètre ; un seul jet vers un point rocheux du Perrellier, 240 m en contrebas. Loin, si loin …
Venue le jauger du Pas des Rages, huit jours auparavant, ce fil m’a vite apprivoisée. Le travail effectué : pages de calcul, tracés de corde, mesures de tensions aux amarrages et de température de la poulie, essais, tout est top. La pente de la corde est douce, même si les lois de la perspective la font plonger !
« 3, 2, 1, Go ! » La voix amie de Bernard Tourte décroît si vite que j’ai à peine le temps de prononcer un « mercccciiiii ! ». L’accélération foudroie toute pensée, tout repère. Comme une araignée fonçant sur sa proie, je file vers la cime des sapins, quelques voltes à droite, puis à gauche, tordent la longe ; la pression de l’air me stabilise face au Pas des Rages, qui monte dans le ciel ; les nappes d’air m’enserrent d’un corset serré. Il n’y a plus que le grondement grandissant de la poulie et les sifflements soyeux du vent : suis-je déjà à 100 km/h ? La corde s’étire sous mon poids, puis le vol ralentit ; le temps et le silence reprennent leur place, déjà la griffe du harpon vient me cueillir et des bras vigoureux me remontent au Perrellier.
Splendide traversée ! Cinquante secondes étincelantes, intenses, uniques…
Françoise Magnan